Le prix du vin

Le prix du vin

Il m'arrive de flâner dans le rayon vins des supermarchés. Si, si! Pas pour faire mon choix, mais plus pour recueillir quelque information utile. Delhaize, Carrefour, Colruyt, Albert Heijn et autres ne jouent pas dans la même catégorie que moi. Leur canal de distribution est plus large et ils doivent contenter une frange de la population plutôt homogène.

Néanmoins, il reste utile de savoir si mon offre est à des années lumières de la demande générale ou bien si elle est complémentaire du tout-vin-venu. Ainsi, je suis assez rassuré si Delhaize propose un Chablis à 11,99 EUR la bouteille même si le Chablis Villages "Les Pargues" que je distribue coûte 15,95 EUR.

Quand les vins sont très bons marchés et quand ils sont très chers, je suis étonné de leurs prix. J'arrive encore à expliquer le vin cher. En revanche, une bouteille de vin à 2,30 EUR, je n'arrive pas à expliquer.

De quoi est composé le prix du vin?

Le vin n'est qu'une des composantes du prix final. Vous payez aussi la TVA, la marge bénéficiaire, les accises, le transport, les matières sèches... et le vin. Autrement dit, on obtient le prix du vin en soustrayant tous les frais qui ne sont pas liés à la production du vin.

Pour un vin qui coûte 2,30 EUR la bouteille, vous payez 0,44 EUR de TVA, 0,66 EUR d'accises, 0,12 EUR de transport du domaine à la centrale d'achat du supermarché et 0,48 EUR en matières sèches (bouteille, carton, bouchon, ...). Il reste 0,60 EUR que doivent se partager vigneron et supermarché. Pris ensemble, cela représente à peine un quart du prix payé par le consommateur.

Au jeu des centimes, tant le supermarché que le vigneron cherchent la voie la moins coûteuse. Le supermarché peut gagner quelques centimes en effectuant le transport en vrac. Cela l'oblige à embouteiller lui-même, mais là aussi, il peut probablement gagner une dizaine de centimes sur les matières sèches. Vous reconnaissez facilement ces bouteilles grâce à la mention "embouteillé par...".

Le vigneron est coincé par la superficie du vignoble et le prix de la main d'oeuvre. Il tentera donc de maximaliser la production par hectare et diminuer les frais de main d'oeuvre.

Faire pisser la vigne

Il n'y a pas 36 façons pour maximaliser la production par hectare: le vigneron "fera pisser la vigne". Il laissera plus de grappes par plante, sera moins attentif lors du tri des raisins et les pressera plus longtemps.

Ensuite, le vigneron sera moins attentif aux sulfites et choisira judicieusement ses levures...

Il sera moins attentif aux sulfites car ils permettent de tuer les champignons et le peu de levures sur les peaux des raisins. Ils risquent d'altérer défavorablement le goût du vin. En revanche, le choix des levures permettent de donner un goût recherché au vin.

Avez-vous déjà remarqué qu'aucun de ces vins bons marchés n'affiche un millésime de plus d'un an de recul? Ces vins sont faits pour être bus très jeune, sur le goût produit par les levures. Certaines levures prononcent un côté fruité au vin, d'autres un côté floral. Les levures Excellence C1 et ICV D80 se chargent de la fameuse minéralité!

Réduire les frais de main d'oeuvre

Le vigneron automatisera au maximum le travail à la vigne. Le traitement des vignes est exclusivement à base de pesticides et d'herbicides. La vendange est mécanique. En général, le travail est effectué par un prestataire.

En France, malgré la filière bio de plus en plus importante, la viticulture emploie 25% des pesticides. Pourtant, la viticulture ne représente que 6% de l'aire de production agricole. Les sols, obligés de résorber ces excès, sont épuisés. Le passage des tracteurs à bétonné la surface, ainsi exposée à l'érosion.

La mécanisation de la vendange a parfois été présentée comme un atout. La vendange est plus rapide et le vigneron - devenu indépendant de la main d'oeuvre - peut vendanger au juste moment.

C'est oublier que cette vendange est brutale, que les baies sont foulées sous la force des vendangeuses perdant ainsi leur jus dans une benne exposée au soleil, et que le tri à la vigne entre baies saines et baies pourries est impossible. La perte de qualité risque d'être substantielle!

L'union fait la force

Le prix peut aussi être maîtrisé en s'organisant.

Les vins à très bon marché proviennent souvent de cave coopératives ou de négociants. Une cave coopérative achète les raisins des coopérants, les vinifie et vend le vin au plus offrant. Le bénéfice revient au coopérant. Ici, on est loin d'un style individualisé de chaque coopérant.

Telle organisation bénéficie de quelques services centralisés tels le marketing et une cellule de vente. Certaines petites caves coopératives comme "Les vignerons d'Estézargues" achètent une infrastructure unique dont l'utilisation est partagée entre (le faible nombre) de participants. En revanche, chaque participant travaille dans un style et une idée individuels.

La réputation d'une région

La réputation est une arme à double tranchant. Certes, elle permet de faire augmenter les prix. En revanche, cela joue en défaveur des petits vins de la région. D'un côté, ils sont dans l'ombre des grosses pointures de la région, de l'autre, ils sentent la concurrence de régions moins réputés proposant des prix encore moins chers.

Ainsi, les premiers prix de Bordeaux se trouvent en concurrence avec les premiers prix du Languedoc, eux-mêmes en concurrence avec les premiers prix d'un vin d'Espagne qui sentent la pression des vins de la communauté européenne.

A ce jeu, un élément distinctif de qualité permet d'aider le vigneron. Joël Duffau par exemple profite de la notoriété bordelaise et investit dans la durabilité de son domaine. Il a une vue à long terme claire et saine. Passé bio depuis plus de 10 ans, il s'attaque maintenant à la diminution de son empreinte environnementale.

Son attention au détail est payante car la qualité ne cesse d'augmenter - nos clients sont friand de La Cuve à Mon Loup et du Château La Mothe du Barry. Néanmoins, les prix restent sages tout en lui permettant de continuer d'investir dans son domaine.

Il en est de même pour Maurice Velge qui, à Saint-Estèphe, était le premier à réussir la conversion de son domaine. Depuis, Château de Côme est Bio. De plus, le domaine nous propose un vin sans soufre ajouté et un vin blanc. Son secret? Maurice, était un réel amoureux de la nature.

Prix et qualité

Grâce à Vivino, nous disposons d'une gigantesque base de données de notes de dégustation par les amateurs de vin. L'éditeur de l'application a pu effectuer quelques recherches dans ces données et en conclut que:

  • La note moyenne d’un vin est de 3,6, toutes catégories confondues

  • Un vin noté 4,0 équivaut à une cote d'expert de 90 points

  • Un vin noté 4,0 sur Vivino est meilleur que 85% de tous les autres vins au monde

  • Un vin noté 4,5 sur Vivino est meilleur que 99% de tous les autres vins au monde

Ces notes ont été comparées aux prix moyens des vendeurs affiliés à Vivino. Il en ressort qu'en moyenne, un vin rouge noté 3,6 coûte 13,30 EUR. Un vin blanc noté 3,6 coûte en moyenne 12,25 EUR. Bien entendu, les prix augmentent avec la cote moyenne. Un 4,0 rouge coûte 27,58 EUR et en blanc 21,20 EUR.

Pour revenir à l'exemple de Chablis plus haut: celui de Delhaize (11,99 EUR) avec une cote de 3,6 est ainsi relativement plus cher que Les Pargues avec une cote de 3,8 au prix de 15,95 EUR.

En conclusion

La qualité a un prix. Il est impossible de sortir durablement un grand vin sur un vin qui a fait l'objet d'une recherche au niveau du centime. On peut gagner des centimes et parfois plus en s'organisant mieux, mais en règle générale, quand le prix est cadenassé, il y a un ou plusieurs perdants.

Pourtant, le consommateur a le choix. Son premier choix est de boire moins mais de boire mieux, c'est à dire, de payer le prix pour s'offrir une excellente bouteille et dans savourer le contenu. Le deuxième choix, c'est de trouver des pépites dans des régions apparentées mais moins réputées que les régions fort cotées.

Les Vins

Trouver le juste prix repose sur un savant équilibre entre qualité, notoriété et durabilité. Offrir le meilleur prix sur un millésime n'est en soi pas très difficile. Le faire dans la durée, sans "prendre" sur l'environnement et en offrant au vigneron les moyens pour investir dans la qualité est plus compliqué.

Parfois il s'agit de faire la quadrature du cercle. En réalité, c'est encore ce que je préfère à mon métier: sortir des sentiers battus pour trouver un excellent rapport qualité-prix. Ces 4 vins illustrent parfaitement mon ambition.